Ils étaient face à face, scrutant leurs yeux comme des miroirs. Il ajouta : « Une veuve, une divorcée ont généralement subi leur destinée. Elles en sont moins responsables que toi, de la tienne. Elles ont obéi à la loi.- Quelle loi ? »D’avance il l’etendit rire, trancha : « Eh bien oui, ne t’en déplaise, la loi. Celle des hommes et celle de la nature.- De la nature ! Hymen, ô Hyménée !… C’est cela n’est-ce pas ? – Eh bien, oui, c’est cela. » Elle éclata d’un rire moqueur : « Quand je te disais que tu étais un homme des cavernes ! La petite membrane, hein ? La tache rouge sur le drap de noces ! Et autour du lit les sauvages célébrant le sacrifices de la virginité ! Va donc parler de ça aux jeunes filles d’aujourd’hui ! Il court, il court, le furet mesdames ! Tu retardes Regis. Ah ah ! Le mari propriétaire ! Le saigneur et maître ! « Il la prit par le bras : « Non ! Mais celui qui, mari ou amant, empreint votre chair à toutes d’une marque si profonde qu’ensuite c’est fini, vous demeurez jusque das les bras d’un autre, sa créature, sa chose !- Ah ! oui, l’imprégnation ! L’enfant d’un second mariage ressemblant au premier mari ? Littérature. En tout cas moi, tu sais !… Non, Régis, non. D’abord je ne t’épouserai jamais, sois tranquille ! Même m’en supplierais-tu ! … Quant aux enfants, si je devais en avoir, je ne voudrais pas qu’ils te ressemblent.- Merci. »Elle eut un geste las : » A quoi bon discuter, d’ailleurs ? C’est tellement individuel, tout ça ! Il y a des mères qui mourront sans avoir connu l’amour… La femme ne s’éveille à la vie qu’après s’être ouverte au plaisir. »
Victor Margueritte, La garçonne, éd. Flammarion, Paris, 1922 (coll. J’ai Lu Poche (1967), p304-305)
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