« Tout ça pour ça » #1

Cette interview s’est déroulée en mars 2019 à Nantes, au bord du bassin Saint-Félix au son de l’hélicoptère de la police en position au-dessus d’une manifestation de gilets jaunes. Madeleine B. suit le projet Hymen redéfinitions quasiment depuis son début, elle avait envie de partager son histoire avec nous parce que celle-ci montre, encore une fois, à quel point l’intimité est politique.
Son histoire parle de la première fois, des représentations qu’on s’en fait avant et de l’impact de cette première fois sur la suite de la vie sexuelle.
L’objectif premier était de faire un feuilleton sonore, mais l’hélicoptère de la police en a décidé autrement, cette interview-feuilleton prendra donc une forme écrite (interview transcrite par Solange Lucas et Pauline Burtin).

Bonne lecture

Hymen et virginité

Hymen redéfinition Alors j’ai deux axes, deux entrées que j’aimerais te soumettre, qui me semblent importantes dans le rapport qu’entretient une femme avec son hymen, si toutefois il a existé. Ce qui vient tout de suite en tête, le couple hymen et virginité, et puis ensuite hymen et représentation mentale. Est-ce que tu veux commencer par la première entrée, à propos de laquelle on avait déjà échangé ?

Madeleine B. L’hymen pour moi c’est lié à la première fois, c’est lié à la perte de la virginité, quelque chose que j’ai attendu longtemps, ou plutôt, c’est quelque chose que j’ai retardé en fait. Moi j’ai eu ma première relation sexuelle à 24 ans, c’était au Festival d’Avignon. C’est en le perdant que je me suis rendue compte qu’il existait, que j’avais sacralisé ce petit élément de ma physionomie, parce que c’est le symbole de la virginité, du passage qui n’est pas encore ouvert. Pour moi, il fallait que ça se passe dans des conditions idéales. Il fallait des conditions affectives, être avec quelqu’un que j’aimais, dans un beau lieu.

Tu en avais une représentation assez concrète, non ?

Il fallait que je sois entourée de bois, qu’il y ait des lumières chaudes [rires], j’avais même cette représentation qu’il fallait qu’il y ait une peau de bête au sol. [rires] Ça aurait pu être dans une cabane au Canada, dans les bois. Il y avait quelque chose de l’ordre du cocon, d’un isolement aussi. C’était être seule avec une autre personne, parce qu’il y avait quelque chose de l’ordre d’une rencontre. Il y avait peut-être aussi quelque chose de l’ordre du duel avec l’homme, dans la rencontre amoureuse. Mais ce rapport de duel est arrivé plus tard. En fait ça a été dur pour moi quand j’ai commencé à me dire que je n’allais jamais avoir de relations sexuelles. Ça allait avec une espèce de fantasme de ma part de vivre une sorte de vie monacale – j’étais un peu dans cette tension-là – et donc de ne jamais offrir mon corps. C’est fou. Maintenant, avec le recul, je me dis que c’était très moral tout ça, il s’agissait de représentations extérieures à moi… surtout cette question de pureté virginale qui, malgré mon peu d’éducation religieuse, avait fortement infusée en moi.

Tu parlais d’un duel …

Oui, en fait j’avais très peur d’être pénétrée, du coup des fois je me fantasmais pénétrant l’autre. Ça ne m’aurait pas du tout rassurée d’être avec des gens autour de moi, enfin pas dans la même chambre. J’avais vraiment envie d’être isolée, d’être dans un endroit où je ne connais personne, où je sois juste en relation avec cette personne.

Pour être une femme aussi …

Pour sortir de cet état d’androgyne. Enfin, moi je voulais être un homme en fait. A un moment, j’ai voulu que ce fantasme d’être un homme cesse. Pour moi, le premier acte pour qu’il cesse, c’était que je fasse l’amour avec un homme.

Que tu deviennes une femme

J’avais fait l’amour avec une femme déjà.

Ce qui ne t’avait pourtant pas passé dans cet autre état de la féminité …

Eh bien si, en vrai. Si, parce que c’est finalement la première relation sexuelle que j’ai eue. Enfin, j’avais eu des caresses avec des hommes, mais la femme avec qui j’avais eu cette relation, un an et demi avant la première relation sexuelle que j’ai eue avec un homme, m’a fait découvrir un plaisir que je ne connaissais pas, qui était plus fort que l’onanisme.

Mais qui ne t’avait pas enlevé ton hymen, enfin dans ta représentation, ça n’avait pas été suffisant.

Je ne me disais pas l’hymen à l’époque, mais plutôt… Je viens d’une famille où l’hétérosexualité était la norme. Moi, je me suis souvent dit que j’étais bisexuelle, sans chercher à revendiquer quoi que ce soit, mais en même temps avec ce truc que quand même la vraie relation c’était avec l’homme. C’est fou, hein !

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :