Léa

J’étais dans un lycée en internat, et mes copines étaient toutes plus âgées que moi, et avaient une activité sexuelle avec des partenaires, donc bon, j’étais la vierge du groupe. Bien qu’il y ait eu des vannes à ce sujet, si je peux tirer quelque chose de bénéfique des discussions autour du sexe que j’ai eu avec elles, c’est qu’elles m’ont fait comprendre que la première fois, bon, tu la fais et puis, hop, tu passes à autre chose. On n’était pas sur le fait de s’attarder sur le côté spécial de la première fois, la seule chose à laquelle il fallait faire gaffe, c’est de pas tomber enceinte ou choper une maladie.

Avant d’avoir une activité sexuelle avec des partenaires, et je précise avec des partenaires car les sexualités sont variées, seul•e et/ou avec du monde, avant cela donc, je ne prenais pas la pilule, j’avais peu de représentations de ce qu’était le sexe masculin en érection et je ne savais vraiment pas grand chose sur mon propre désir, ni plaisir.

Du coup je rencontre cet homme de 20 ans et on se plaît, en tout cas, je vois que je lui plais et ça, ça me fait plaisir. C’était assez cool comme sensation de se dire qu’on plaît à quelqu’un, et j’en avais conscience pour la première fois. Je le trouve beau, et je me dis qu’un mec plus vieux que moi, c’est un mec qui a de l’expérience (quand j’y repense maintenant, les idées pré-conçues, Wow) Après s’être vus quelques fois, on décide de coucher ensemble, j’avais trop peur de saigner, j’avais entendu de ces histoires ! Notamment celle de mon partenaire, qui me racontait son premier rapport sexuel sanglant à 17 ans, la fille avait eu sacrément mal, je la plaignais, ça doit refroidir. Les préliminaires ayant aidé, je me détends et arrête de penser à une possible déchirure déclenchant une hémorragie atroce qui m’emmènerait aux urgences et me vaccinerait à jamais de toute pénétration. Rien de tout cela, tout se passe bien, j’arrive même à kiffer le moment. Vu que je ne sais pas quoi faire pour mon plaisir personnel, bon ben… je simule, je ne sais pas comment ça marche, mais ça a l’air de faire plaisir dans le camp d’en face.

Le rapport se termine, je suis toute contente, je me dit que c’est fait voilà, de là, je vais pouvoir apprendre pleiiiin de choses à présent ! Et là, cette phrase prononcée par mon partenaire « Mais t’es sûre d’être vierge ? ». Je me souviens qu’à ce moment-là, je ne sais pas trop quoi répondre, ben oui, je le suis, enfin, non plus maintenant, ça fait 10 minutes que je ne le suis plus du coup. Et là, j’ai le droit à quelques infos bien avisées sur le fait que je n’ai pas saigné, qu’il n’y a pas eu de souci au niveau de la pénétration vaginale par le pénis… Petit détail poétique, la phrase « C’était comme dans du beurre » a été prononcée par ce mec, bravo pour l’image. J’ai halluciné, à poil dans le lit de ce gars, imaginant aller imprimer un certificat signé. Je me suis sentie déçue, peut-être que son plus gros kiff, c’était de me savoir vierge de tout rapport et « bien serrée », comme dans un porno cheap et malaisant, comprenant une actrice grimée en lycéenne, en survet’ rose avec des nattes impeccables. Et oui, c’était une première fois, une première rencontre avec un mec complètement nu, avec lequel j’allais coucher. J’ai pas saigné, j’ai pas hurlé de douleur, j’ai pas paniqué à l’idée de voir une bite, j’ai été cool en vrai, non ? Alors pourquoi c’est quand même pas assez ? Au point de me demander si c’était bien le premier mec avec qui j’avais eu un rapport. Et puis même, si c’était pas le cas, c’était de la pub mensongère ? Si pour moi, c’était ça une première fois, j’aurais trompé le consommateur ?

Et pour autant, j’ai continué à voir ce mec tout au long de l’été et ce jusqu’à la rentrée de ma terminale. Ça m’a amenée à demander la pilule à ma médecin, après une belle frayeur suite à un préservatif craqué. Et là, une nouvelle réplique malaisante, elle me demande si j’ai saigné lors de mon premier rapport, ce à quoi je réponds simplement non, et voici sa réponse : « Eh bien, heureusement que t’es pas musulmane ! » Je n’ai pas su quoi dire, notamment car je ne voyais pas le rapport avec l’islam – mais je peux dire que taper « sang », « virginité », « islam » dans une barre de recherche, c’est s’exposer à des images caricaturales et stigmatisants sur toute une communauté, des articles sur la pureté des femmes et le fait de bien signifier qu’il n’y a que chez les autres qu’on accorde une importance fondamentale à la virginité. Alors, je précise ici, que l’homme que je fréquentais n’était pas de confession musulmane, ni d’aucune autre d’ailleurs, et pourtant, ça ne l’a pas empêché de me questionner sur le fait qu’il était oui ou non le premier à avoir eu un rapport avec moi.

Je ne suis pas tendre lorsque je raconte cette histoire, d’autant plus que c’est lui qui a mis fin à notre relation, je l’avais bien mauvaise. Mais j’imagine bien que ce cliché du témoin de virginité ne lui est pas venu naturellement parce que c’est quelqu’un d’horrible, en fait moi aussi, je l’avais cette idée.

J’imagine bien que cette question vient d’un vécu, du fait qu’on représente le premier rapport sexuel comme une expérience douloureuse,une image encore très ancrée, d’imaginer la virginité comme quelque chose de vérifiable à l’intérieur d’un vagin. S’il y a quelques choses que cela m’a appris, c’est que la première fois n’est pas unique, on en a toujours, de tout type, seul•e, en duo, en collectif. C’est que la première fois (sur le plan sexuel, j’entends), c’est un moyen de contrôler les corps, un mythe que l’on doit déconstruire. C’est que LA première fois, au fond, ça n’existe pas.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑