Représenter l’hymen

Article d’Isabelle Querlé. Illustration Julie Jardel pour Pussypedia.

Le site existe depuis deux ans et manquait un article qui montre à quoi ressemble un hymen et qui s’interroge sur la façon dont on le représente. Nous avons fait le choix de montrer uniquement des dessins, pas de photos. Les représentations ont été choisies dans des sites ou des ouvrages féministes de référence que nous vous invitons d’ailleurs à consulter.
Attention donc, si vous n’êtes pas d’humeur à regarder des vulves, il y en a partout, passez votre chemin.

1/ Un dessin de vulve dans l’ouvrage Notre corps, nous-mêmes

Avant de regarder des représentations de l’hymen, il peut être important de savoir à quoi ressemble la vulve puisque l’hymen fait partie de la partie externe du sexe féminin. Le dessin qui suit fait partie de l’ouvrage collectif Notre corps, nous-mêmes. Celui-ci est une mine d’informations sur la question du corps des femmes avec beaucoup de dessins et de photos, nous vous le conseillons fortement. Le dessin ci-dessous montre une vulve réaliste d’une femme adulte.

2/ Planche anatomique de 1897

La première représentation de l’hymen que nous observerons est issue de l’ouvrage An American text-book of obstetrics. For practitioners and students (1897)

Cette planche anatomique montre les différents types d’hymens. On voit que si le dessin semble réaliste puisqu’il reprend les codes du dessin anatomique, les proportions du sexe ne le sont pas. Afin de mettre en valeur l’hymen, l’ouverture vaginale est augmentée et la plaine de la vulve est supprimée. Le clitoris, quant à lui, n’est pas visible sur toutes les images.
Je soulèverais trois problèmes dans cette représentation : 1/ elle met sur le même plan des situations statistiques très différentes : il n’y a pas autant d’hymens cribriformes (figure 6) qui demandent une intervention chirurgicale que d’hymens annulaires (figure 1) qui sont la forme présentée comme la plus commune. 2/ Elle montre un itinéraire sexuel stéréotypé : les trois premières vignettes montrent l’hymen avant la première pénétration par un pénis, après la première pénétration par un pénis et après l’accouchement. Ce qui vient implicitement soutenir le parcours idéal d’une jeune fille qu’on pourrait résumer ainsi « pas touche à ton sexe puis un pénis rentre et hallelujah un bébé sort » 3/ Elle soutient les mythes de l’hymen en indiquant qu’il y a une différence entre un vagin avant et un vagin après la première pénétration par un pénis. Ce qui est assez comique, c’est que la différence entre les deux vignettes n’est pas franchement flagrante. On remarque aussi « l’oubli » de la représentation des vagins sans hymen, cas qui viendrait fragiliser le lien systématique qui est présenté entre l’hymen et la virginité.

On voit que cette planche anatomique qui se veut scientifique ne l’est pas du tout. Tout d’abord, le dessin qui semble réaliste, ne l’est pas car il montre un sexe-trou extrêmement simplifié. Cette représentation sert par ailleurs un objectif moral de contrôle du corps des femmes en leur indiquant le bon itinéraire d’une « bonne » femme (pureté, hétérosexualité, maternité) et en leur montrant qu’il est possible de constater visuellement leur activité sexuelle et donc de contrôler leur « moralité » par un simple examen médical si besoin.

2/ Affiche du planning familial

Sur le même système de vignettes juxtaposées, on trouve cette affiche du Planning Familial photographié lors d’une réunion dans leur bureau de Nantes.

On retrouve comme sur la planche précédente la présentation des différents types d’hymens avec une ouverture vaginale augmentée, toutefois le clitoris y est bien visible. C’est une infographie, il n’y a pas de volonté de réalisme ici, la volonté de modélisation est plus claire. L’objectif de la représentation est cette fois-ci explicitée par le titre : L’hymen ne fait pas la virginité, 1 femme sur 3 n’a pas d’hymen. Pour soutenir ce message, 3 des 10 sexes représentés n’ont pas d’hymen. On retrouve des types d’hymens équivalents à la première représentation, s’ajoute le sexe sans hymen et son opposé, le sexe clos.
On regrettera une chose, que la source de l’information « une femme sur 3 n’a pas d’hymen » ne soit pas présente sur l’affiche. J’ai cherché des confirmations de ce chiffre dans les documents à ma disposition et je n’ai pas trouvé. Pour être scientifique et donc crédible, la source de l’information doit toujours être disponible pour que chacun puisse aller vérifier soi-même sa fiabilité. C’est dommage que ce ne soit pas le cas pour un support qui vise à déconstruire les idées reçues.

3/ Illustrations dans la plaquette illustrée de la RFSU

La RFSU est une fondation suédoise pour l’éducation sexuelle, elle a publié en 2009 Vaginal corona, myth surrounding virginity – your questions answered (La couronne vaginale, le mythe entourant la virginité – toutes les réponses à vos questions) dans laquelle on trouve ces deux infographies :

La première est une représentation du sexe féminin par Eva Fallström. Ce qui est intéressant par rapport aux deux illustrations précédentes, c’est que l’illustration ressemble vraiment à une vulve. Le vagin et, à son entrée, l’hymen (appelé ici vaginal corona, « couronne vaginale »), n’est qu’une petite partie de tout l’organe sexuel externe. On est loin du sexe-trou.

La deuxième infographie de Lottis Karlsson fait un zoom sur l’entrée du vagin et sur l’hymen. Cette représentation fait le choix de l’esthétique plutôt que d’une typologie scientifique et montre avant tout la variété des hymens et donc des sexes féminins.

Ce qui nous intéresse dans ces illustrations, c’est qu’elles arrivent à concilier l’esthétisme avec le caractère informatif.

4/ Illustrations de l’article sur l’hymen sur le site pussypedia

Pussypedia est un site mexicain qui réunit, en anglais et en espagnol, les informations que vous voulez connaitre sur la chatte, « pussy » en anglais (elles utilisent ce terme pour désigner l’ensemble du sexe féminin interne et externe, parce que oui, il n’y a pas de mot spécifique ni en anglais, ni en espagnol, ni en français d’ailleurs).

Comme tous les articles sur le site, l’article That whole hymen-breaks-when-you-lose-your-« virginity » thing is a total myth (Toute cette histoire d’hymen-qui-se-brise-quand-tu-pers-ta-« virginité » est un mythe complet) est illustrée par une artiste. L’article a été traduit en français ici par Cyclique, plateforme queer & inclusive dédiée au cycle menstruel et à la santé gynécologique.

Contrairement aux autres supports que l’on a observés, ce que recherche Pussypedia est de proposer une vision d’artiste. Ici l’illustratrice Julie Jardel (instagram ici) propose à coté d’une rangée d’hymens assez classiques, une véritable réinterprétation artistique avec cette rangée de femmes nous offrant leur hymens, leurs corps, leurs seins, tous différents. L’art permet de dépasser le sujet anatomique de l’article, d’apporter une autre dimension aux articles.

Regarder l’hymen en face, c’est se confronter d’abord à l’ignorance que chacun.e a de la physionomie de la vulve, c’est se confronter aussi au fait que représenter un organe c’est aussi adopter un point de vue avec une morale, un objectif sous-jacent. La science n’est pas à l’abri de la subjectivité.

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